Les herbières à travers le temps


Quelle a été la place des femmes dans le monde de la médecine par les plantes? Dans cette section, nous nous pencherons sur les différentes manifestations des femmes à travers leur rapport avec les plantes. Certaines de ces femmes se sont grandement démarquées, comme Hildegarde de Bingen (Allemagne) ou encore Judith-Moreau de Brésoles (Québec) alors que d'autres ont marqué le temps de leur contribution anonyme. L'ensemble de l'information de cette section est tiré du livre de Denise Le Dantec, «l'Homme et les herbes», aux éditions Apogée.


Sorcières

«Et la Reine, la sorcière qui allume la braise dans le pot de terre, 
en voudra jamais nous raconter ce qu'elle sait, et que nous ignorons»
Arthur Rimbaud


«L'unique médecin du peuple, pendant mille ans, fut la sorcière»
Michelet

Le Moyen-Âge confond magie et sorcellerie. Le sorcier (dont le terme apparaît pour la première fois en 582), est le résultat perverti du christianisme. Non seulement le sorcier croit en des puissances infernales mais il prétend avoir signé un pacte avec le diable. Magie et sorcellerie partagent la même volonté de s'allier ou de contrer les forces secrètes du monde.














«J'ai écarté de ce tableau les ombres terribles du temps qui l'eussent cruellement assombri. J'entends surtout l'incertitude où la famille rurale était de son sort, l'attente, la crainte habituelle de l'avanie fortuite qui pouvait, d'un moment à l'autre tomber du château (...) Mais la masse de tout état, et l'on peut dire le monde, ne consultait que la Saga ou Sage-Femme. Si elle ne guérissait, on l'injuriait, on l'appelait sorcière. Mais généralement, par un respect mêlé de crainte, on la nommait Bonne Dame ou Belle dame (bella donna), du nom même qu'on donnait aux Fées.»

Jules Michelet, «La sorcière», 1862







Les herbes des sorcières

Le terme «Simples», nom générique des herbes médicinales, est une abréviation de «simple médecine» calquée du latin médiéval Simplex medicina ou de Medicamemtum simplex, opposée à la médecine composée. Ce terme est employé en 1560 pour signifier «les drogues» et le mot est encore connu.
Les principales plantes magiques du Moyen-Âge, considérées comme étant les alliées premières des sorcières sont la mandragore (Mandragora officinarum L.) et la belladone (Atropa belladonna). Ces plantes appartiennent à la famille des Solanacées.


Solanacées

La famille des Solanacées est composé de plus de 1700 espèces. Le terme solari signifie consoler, rendre doux. La douce amère, de la famille des Solanacées, a des qualités calmantes et stupéfiantes, du à la présence de solanine qui repose dans ses tiges.


Mandragore
Atropa mandragora L.

De la famille des Solanacées et originaire des pays de la Méditérannée, la madragore, dire mandragore des officines, contient des alcaloïdes toxiques. Elle se distingue par une grosse racine fourchue dont les radicelles évoquent les poils, et ressemble à un corps humain. 

Dioscoride et Hippocrate utilisaient la mandragore pour produire l'anesthésie lors des opérations, les alcaloïdes contenus dans cette herbe lui conférant des propriétés narcotiques et hallucinogènes.
Pline, dans son Histoire naturelle, recommande de cueillir la mandragore de préférence un vendredi, à l'aube ou au crépuscule, les moments idéaux pour arracher l'herbe infernale. Selon Pline, il était important de tracer un cercle autour de la plante pour l'empêcher de fuir tout en se protégeant de ses forces maléfiques.


À la fin de l'Antiquité, on liait un chien affamé et entièrement noir à l'herbe à l'aide d'une corde. On présentait alors au chien du pain qui, voulant à tout prix le manger, tirait sur la corde et déterrait ainsi la racine. On dit que l'herbe poussait alors un cri terrifiant. Enfin, la mandragore doit être prise sous contrôle médical sérieux.







Belladone
Atropa belladonna, Atrope belladonne

La belladone a des propriétés sédatives si élevées qu'elle en est vénéneuse. Elle contient de l'hyoscyamine et de l'atropine et des traces d'alcaloïde dans sa racine.
Si elle était mêlée à la jusquiame, qui est une herbe narcotique, elle entrait dans la composition d'un onguent que les sorciers et les sorcières du Moyen-Âge se passaient dans le cou, la plante des pieds, le creux des bras et les aisselles, afin de «voir le diable». Elle est une plante vénéneuse mortelle, à n'utiliser que sous contrôle médical sérieux.








Molène ou Bouillon blanc

Verbacsum thapsus

Selon Hippocrate, la molène soignait les blessures et selon Pline, elle était utile contre les maladies pulmonaires. On en faisait autrefois des mèches de lampe, d'où son surnom de «Cierge ou chandelier de Notre-Dame», la légende disant que la Vierge les recouvrait de poix afin d'éclairer la maison de Nazareth. On croit qu'elle donne de la force et du courage, et qu'il est bien d'en glisser une feuille dans les foulards que l'on porte.














La première phytothérapeute occidentale moderne: Hildegarde de Bingen (1098-1179)

Hildegarde de Bingen est considérée comme étant la première phytothérapeute moderne. Elle naît en 1098, dans une époque où les royaumes européens se déchirent tout en lançant la première croisade à l'assaut de Jérusalem.

Quoiqu'à la santé fragile, Hildegarde est dotée de plusieurs talents qui la font déjà se distinguer dans son milieu. Musicienne et poétesse, elle devient, à 38 ans, abbesse d'un couvent. Sa connaissance des plantes fait d'elle une référence pour la guérison des malades. Outre les pouvoirs surnaturels qu'on lui attribue alors, Hildegarde fait usage des soins par les plantes et les minéraux ainsi que les conseils de modération comme prescriptions aux patients.






Documentaire sur Hildegarde de Bingen: «Hildegarde de Bingen, lumière de Dieu»:








Quelques plantes privilégiées par Hildegarde de Bingen  



Ail
Allium Sativum 
Famille des Alliacées

Allium dérive du celtique all, «brûlant»; Sativum provient du latin serere, «semer».

L'ail est, selon moi, une plante qui doit absolument faire partie de notre pharmacopée. L'ail est utilisé depuis des millénaires par plusieurs sociétés pour ses propriétés antiseptiques, antiparasitaires et antibactériennes. L'ail est une panacée pour le traitement des affections pulmonaires, pour la réduction du taux de cholestérol sanguin, pour ravigoter, assainir et réchauffer l'organisme ou encore pour prévenir le cancer.

Selon Hildegarde de Bingen:

L'ail a une chaleur positive. Il pousse grâce à la force de la rosée, dès l'engourdissement de la nuit, jusqu'au matin.








Fenouil
Foeniculum vulgare Mill.
Famille des Apiacées (Obellifères)

Le fenouil, originaire de l'Europe méridionale, est connu et cultivé depuis très longtemps en Chine, Inde, Asie et Afrique. Le fenouil semble surtout reconnu pour l'apaisement qu'il confère au système digestif. À cet égard, il est présent dans le mélange des quatre semences aux propriétés carminatives: anis vert, cumin, carvi et fenouil.
On utilise le plus couramment les feuilles et les graines. Les principales propriétés du fenouil sont ses vertus antispasmodiques et carminatives, qui agissent à l'égard du système digestif. Enfin, le fenouil serait intéressant pour la femme, alors qu'il régularise les cycles menstruels et soulage les crampes. Une tisane de camomille et fenouil pourrait ainsi être intéressante.

Selon Hildegarde de Bingen:

Le fenouil contient une chaleur douce et sa nature n'est ni sèche ni froide. De quelque façon qu'on le mange, il rend le coeur joyeux; il procure une bonne sueur et assure une bonne digestion.






Mauve
Malva moschata L.
Famille des Malvacées

Malva provient du grec malacos, «mou»; malasso, «qui ramollit»
Moschata vient du grec moskos, «musqué»; «à odeur de musc».

* La mauve notée par Hildegarde de Bingen est la Malva sylvestris. Je vous présenterai ici la Malva moschata L.

De son étymologie et de l'usage qu'on en fit depuis longtemps, la mauve musquée donne une grande impression de douceur. Elle me semble, par sa douceur, pouvoir apaiser l'ensemble du corps, et tout particulièrement les muqueuses internes dans tout le corps et la peau (les mucilages que la mauve contient lui confère ses propriétés émollientes).
De plus, à l'égard du système tégumentaire, la mauve est pourvue de propriétés adoucissantes, cicatrisantes et protectrices. La mauve est ainsi recommandée pour l'acné, l'eczéma, le psoriasis, les brûlures, les furoncles. Elle agit en outre à l'égard du système musculaire et osseux (entorses, déchirures). Elle est de plus utilisée comme laxatif.

Selon Hildegarde de Bingen:

En cas de fièvre, quelque soit sa nature, piler de la mauve dans du vinaigre. En boire la matin à jeun et le soir au coucher: la fièvre disparaîtra. 





Ortie
Urtica dioica L. 

Urtica provient de uro, «brûler»,et de dioica (dis, «deux», oikos, «maisons»), «deux maisons»

De par ses plusieurs propriétés bienfaisantes, l'ortie m'apparaît être une plante incontournable en herboristerie. L'étymologie de son nom, signifiant «brûler» et «double maison» en dit long sur ce qu'elle est, à savoir une plante ayant certes du poil urticant qui brûlera quiconque l'a cueillera sans y prendre garde, mais pourvue de plusieurs propriétés salvatrices à l'humain.
Aussi, chaque sexe de la plante a sa propre maison (dioica). De plus, plusieurs vitamines et minéraux composent l'ortie. Elle est en outre d'une bonne compagnie pour les plantes voisines, puisqu'elle «aide à stimuler la croissance d'autres plantes qui poussent autour d'elle». Au delà de ses nombreuses propriétés, l'ortie est une plante très intéressante de par son côté tonique. En effet, elle stimule la vitalité, tout en régénérant le corps.

Selon Hildegarde de Bingen:

L'ortie est une espèce totalement chaude. Elle purge l'estomac et en fait disparaître les humeurs.




Un soleil qui luit en Nouvelle-France: 
Judith Moreau de Brésoles (1620-1687)

Une femme telle que Judith Moreau de Brésoles, fondatrice des Soeurs hospitalières de Montréal, mérite d'être connue davantage. Arrivée au Canada en septembre 1659 avec Jeanne Mance et les soeurs Macé et Maillet, Soeur de Brésoles fait valoir ses talents pour la médecine et la pharmacie.

Comme le mentionne soeur Marie Morin (1649-1730), annaliste des Hospitalières, «ses médecine étois miraculeuses. Elle servit les malades, tant françois que sauvages». Soeur de Brésoles cultivait, dans la cour des religieuses, un jardin de plantes médicinales et concoctait ses propres remèdes. Étienne-Louis Couanier de Launay, dans son «Histoire des religieuses Hospitalières de St-Joseph, France et Canada» (1887), rapporte que les Iroquois, qui profitaient également de ses soins, eurent pour elle un respect qui lui valut le surnom de «Soleil qui luit parce qu'elle rendait la vie par ses médicaments comme le soleil la donne aux plantes par sa lumière et sa chaleur».    

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire